L’accès aux données médicales des Québécois : décupler la recherche et la découverte, tout en établissant un cadre réglementaire robuste


Le ministre de l’Économie et de l’Innovation a récemment mentionné l’intérêt du gouvernement à rendre accessibles les données médicales de la RAMQ aux compagnies pharmaceutiques. Alors que l’idée a été décriée par plusieurs, l’industrie des sciences de la vie du Québec, plus particulièrement les biotech et les organisations de recherche clinique et contractuelle, voit cette annonce d’un bon œil.

Une meilleure gestion des données en santé, c’est ce qui permet :

  • D’améliorer les résultats de la prestation des soins en santé, prédictifs, cliniques et thérapeutiques.

  • D’accélérer la recherche scientifique, publique et privée.

  • De se positionner comme une société du savoir ; qui dit savoir dit génération et utilisation de données.

 

L’accès aux données de la RAMQ est l’une des recommandations de la Stratégie québécoise des sciences de la vie, élaborée avec nos grands penseurs et décideurs en matière de recherche en santé, un long consensus établi entre toutes les parties prenantes du secteur des sciences de la vie.

L’avantage du Québec 

  • La présence d’un régime public universel de santé confère au Québec l’avantage de posséder une masse critique de données en milieu réel. 

  • Le Québec possède une expertise indéniable en matière de traitement de données et en intelligence artificielle. 

  • Le secteur des sciences de la vie est un secteur intégré — la recherche se fait à travers de multiples collaborations entre les chercheurs académiques, les centres de recherche publics, les biotechs, les organisations de recherche clinique et contractuelle et les pharmas.

 

L’accès aux données médicales propulse la recherche et les découvertes

Les centres de recherche publics, les entreprises en biotechnologies ou les entreprises pharmaceutiques travaillent à découvrir de nouveaux traitements, médicaments et vaccins permettant de répondre à des besoins actuels de santé et d’améliorer la santé des populations.

  • Questionner des banques de données en santé permet d’accélérer la recherche et la découverte.

  • Une recherche de grande qualité permet d’attirer des investissements et de faire plus de recherche, ce qui permet de mieux développer le secteur des sciences de la vie au Québec et de solidifier nos entreprises d’ici

 

À quoi servent les données médicales des citoyens ?

  • Mieux comprendre les facteurs responsables d’une maladie ou d’une condition de santé.

  • Trouver de nouvelles cibles biologiques pour de nouveaux médicaments.

  • Développer des thérapies et vaccins très ciblés qui génèrent moins d’effets secondaires.

  • Identifier plus facilement les patients pouvant participer à des essais cliniques innovants qui peuvent améliorer leur santé.

  • Attirer plus d’études cliniques internationales majeures : de nombreux projets ne peuvent avoir lieu au Québec à cause de la lenteur de l’accès aux données.

  • Assurer une utilisation plus appropriée des médicaments par les patients et les cliniciens et ultimement, de meilleurs résultats cliniques.

  • Vérifier les résultats cliniques, l’adhésion au traitement et le parcours de soin des patients afin d’optimiser les soins.

  • Accéder à des données cliniques en milieu réel pour démontrer la validité d’un traitement, particulièrement pour les maladies rares.

  • Soumettre des demandes d’approbation de médicaments au Québec à partir de données québécoises, et non pas ontariennes ou américaines, plus représentatives de la population.
     

Un cadre éthique de très haut niveau : une condition sine qua non pour l’utilisation des données

Pour que le Québec puisse profiter des avantages reliés à l’accès aux données médicales, la pièce maîtresse capitale et indispensable est celle d’un cadre éthique de très haut niveau s’inspirant des meilleures pratiques éprouvées à travers le monde. Des conditions incontournables sont essentielles :

  • Le monde de la recherche publique et privée ne souhaite pas l’accès aux données, mais plutôt à des résultats anonymisés ou dépersonnalisés issus des banques de données, sans accéder à la donnée brute, en posant des questions à de tiers gestionnaires de ces banques.

  • La mise en place de manière transparente d’un cadre robuste et réglementaire qui assure une protection des données confidentielles.

  • Le chercheur, qu’il vienne du privé ou du public, doit expliquer le cadre du projet de recherche et s’engager de manière contractuelle à respecter toutes les conditions établies par les gouvernements.

  • Toute décision gouvernementale sur ce sujet doit inclure un cadre réglementaire, des lignes directrices claires et des conditions strictes qui ne permettent pas de transmettre au monde de la recherche publique et privée des données confidentielles.

  • Seules des données anonymisées agrégées doivent pouvoir être transmises.

Le cadre législatif québécois développé dans les années 80 doit être mis à jour en considérant le secteur des sciences de la vie comme un secteur intégré :

  • Le partage des données est un incontournable pour faciliter et accélérer la recherche.

  • Une réforme permettrait un meilleur encadrement éthique, rassurerait la population et permettrait au Québec d’atteindre tout son potentiel, ce qui profiterait ultimement aux patients.

  • Plusieurs pays se sont dotés de processus efficaces et sécuritaires permettant une meilleure gestion des données pour des fins de recherche, dont la France, le Danemark, le Royaume-Uni, Singapour. Par ailleurs, l’Ontario a un cadre plus moderne que celui du Québec et l’Alberta développe actuellement une stratégie et approche à cet effet.

  • Les pays avec les cadres législatifs, réglementaires et éthiques les plus robustes et clairs sont les plus performants pour attirer la recherche (ex. le National Health Institute de l’Angleterre).

 

En fin de compte, il n’est donc pas question ici de profiter de cette information pour en tirer des détails sur la vie privée des gens, mais bien d’agglomérer les données afin d’en savoir plus sur les besoins médicaux de la population du Québec, dans le but de développer des médicaments répondant parfaitement à ceux-ci. Cela permettrait également et sans aucun doute d’attirer des investissements additionnels au Québec en recherche et en recherche clinique. 

Comment les données médicales bénéficieraient-elles aux entreprises d’ici ? Voici 5 exemples québécois….

Immune BIOSolutions (Biotech)

Immune Biosolutions est une entreprise novatrice qui exploite des technologies de pointe pour la génération, l’ingénierie et la modification à façon d’anticorps de première qualité pour du développement de méthodes diagnostiques et thérapeutiques. L’entreprise est généralement un peu loin des données de la RAMQ. Par contre, elle doit, dans tous ses projets, faire un portrait du nombre de patients affectés annuellement par une maladie ciblée. Elle doit également faire des choix pour les études cliniques. Avoir accès aux données de la RAMQ lui permettrait d’être certaine qu’elle puisse faire des études cliniques au Québec et de choisir les meilleurs centres hospitaliers. L’entreprise pourrait aussi utiliser les données pour choisir un type de cancer pour lequel il n’y a pas eu de progrès avec les traitements standards.

Voici un autre exemple montrant comment les données anonymisées sont importantes. En 2015, le président de Immune BIOSolutions assistait à une présentation d’un chercheur universitaire en sciences des données (dans le cadre de SILS 2015) qui présentaient le fruit de ses recherches en prenant les données brutes des différentes analyses provenant d’un hôpital sans nécessairement prendre en considération le diagnostic du médecin. Grâce aux données, il a pu identifier un 3e groupe de patients diabétiques (de type 1, de type 2 et du nouveau groupe). Ce nouveau groupe avait de fortes probabilités de développer un cancer. L’hôpital a donc mis en place un programme spécial de dépistage pour ce troisième groupe. Voilà un impact concret de l’accès aux données.

Medicago (biotech développement de vaccins)

L’accès aux données confidentielles pourrait permettre de réaliser des études de type « real-world evidence » (phase IV) sur l’efficacité et la sécurité des vaccins utilisés auprès de la population du Québec. Ces études permettraient d’améliorer la prise en charge de la population par la santé publique et l’élaboration d’une stratégie vaccinale mieux adaptée. Les données pourraient permettre de développer des messages et des campagnes de communication adaptés aux populations cibles par groupe d’âge ou par répartition géographique par exemple.

Feldan Therapeutics (Biotech)

Feldan Therapeutics a développé une innovation scientifique (le Feldan Shuttle) qui permet de livrer efficacement des composés thérapeutiques à l’intérieur des cellules. À l’aide de cette invention, il devient possible de transporter dans la cellule diverses molécules qui interagissent avec les protéines intracellulaires dans le but de les empêcher d’agir, ou de livrer des protéines manquantes. Ce type de découverte est appelé une « plateforme », c’est-à-dire qu’elle pourrait devenir l’élément central de plusieurs médicaments pouvant soigner des maladies aussi différentes que le cancer, l’inflammation ou les maladies génétiques. Dans ce contexte, Feldan se doit d’être très efficace afin d’identifier les indications médicales qu’elle doit poursuivre afin 1) d’amener en essai clinique un médicament répondant à un besoin thérapeutique clair et 2) d’être attrayant pour les investisseurs.

Avoir accès à une banque de données anonymisées serait très intéressant pour Feldan afin d’identifier avec précision les maladies qui touchent les patient(e)s du Québec et en savoir plus sur les différentes phases de celles-ci. Il deviendrait alors possible pour Feldan de développer et mettre en marché des médicaments alignés avec les besoins thérapeutiques réels de la communauté. Cette adéquation entre médicaments et besoins serait ainsi bénéfique pour la population et permettrait à Feldan d’attirer les capitaux de l’extérieur du pays afin de contribuer à la croissance de l’environnement biotechnologique québécois.

 

Diex Recherche (Organisation de recherche clinique)

DIEX Recherche est une entreprise privée sherbrookoise de recherche clinique, avec des centres dans plusieurs villes du Québec, conduisant des essais de phase I à IV au Québec. Un des aspects importants pour la recherche clinique est la capacité d’effectuer un projet de recherche clinique de phase II ou III par exemple, dans une région en particulier. Par exemple, est-ce qu’un projet peut être mené chez des patients atteints d’arthrite rhumatoïde qui prennent déjà tel ou tel médicament ? Si une recherche dans les données de la RAMQ indique que 100 patients ont ce profil dans la région de Montréal et 50 dans la région de Québec, il pourra alors être possible de conduire ce projet au Québec, selon le nombre de patients recherché. Les sites de recherche n’ont pas d’information sur l’identité de ces patients, mais les informations viennent supporter le fait que le profil de patients recherchés est présent. Ce ne sera pas possible dans tous les projets ni pour toutes les indications, mais elles permettraient de mieux cibler les projets de recherche clinique qui devraient venir ou non au Québec et aideraient surtout à attirer de la recherche clinique au Québec.

 

MIMS (My Intelligent Machines) (Intelligence artificielle)

MIMS aide les pharmaceutiques et biotechs locales et internationales à identifier de nouvelles cibles thérapeutiques sur des populations de patients stratifiées. Ce qui veut dire qu’ils utilisent des données disponibles en combinaison avec les données des essais cliniques de leurs patients pour classifier les populations de patients en groupes, en se basant sur les mécanismes menant à la manifestation de la maladie (qui sont différents pour chacun de ces groupes), et/ou des manifestations plus ou moins aiguës de cette maladie. Ces différents groupes de patients ne répondront pas de façon uniforme aux différents traitements. Il est donc essentiel, avant d’investir des milliards de dollars dans le développement de médicaments, de savoir si la protéine/le gène/le processus qui est ciblé par ce médicament est approprié pour au moins un groupe de patients et de connaître la taille de ce groupe. De plus, savoir si ce traitement cible bien le groupe de patients qui a les symptômes les plus aigus aidera à s’assurer de cibler la bonne population. Actuellement, l’utilisation de ce type d’approche est extrêmement compliquée par le manque d’accessibilité aux données anonymisées. MIMS s’appuie sur les données publiques des grandes bases de données du NIH (américain), Embl, UK biobank, etc.

La possibilité d’utiliser les données de la RAMQ en complément aux grands projets de séquençage qui débutent au Canada permettra de mettre de l’avant les particularités biologiques de notre population afin que les traitements développés (que cela soit par des grosses pharmas ou des biotechs locales) soient fait pour nous, aient le plus grand impact possible sur NOTRE population. Et tout ceci se fera en tout respect de la vie privée. Les règles de protections sont très strictes et peuvent tout à fait être respectées tout en permettant de développer ces approches. 

La population québécoise doit donc se demander si elle veut que les traitements qui soigneront leurs enfants tiennent compte des particularités biologiques des Québécois, ou pas.