La course à la guérison


Sans médicament ou vaccin contre la COVID-19, nous pourrions devoir vivre avec des mesures de distanciation jusqu’en 2022. Mais en ce moment même, 215 000 participants s’apprêtent à tester ou sont déjà en train de tester une arme potentielle contre le virus dans l’une des 211 études cliniques enregistrées sur la planète. Compte rendu de l’avancement de quelques pistes qui suscitent l’espoir.

Les médicaments existants

Une véritable course est engagée pour essayer de voir si des produits qui se trouvent déjà sur les rayons des pharmacies pourraient agir contre la COVID-19. Le grand avantage : l’innocuité de ces produits a déjà été vérifiée et leurs effets secondaires sont connus, ce qui permettrait de gagner un temps précieux.

Le médicament contre l’Ebola…

L’un des premiers médicaments envisagés contre la COVID-19, le remdesivir, a livré de bons et de moins bons résultats à la mi-avril. Une étude sans placebo dans le New England Journal of Medicine ainsi qu’une vidéo coulée au site Stat News, ont montré une amélioration notable chez des patients, mais deux essais cliniques en Chine ont dû être interrompus faute de nouveaux patients. Quatre autres essais cliniques sont en cours ailleurs dans le monde et pourraient donner des résultats dès la fin avril. Le remdesivir a été mis au point en 2015 contre l’Ebola par la société américaine Gilead, sur contrat de l’armée américaine, et des essais en Afrique ont montré l’absence d’effets secondaires graves. Gilead, connue pour son prophylactique VIH Truvada, l’a proposé contre la COVID-19 sur la base d’études animales pour deux coronavirus humains, le SRAS et le MERS

… et celui contre la Malaria

Depuis la fin de février, le chercheur français Didier Raoult clame qu’un antipaludique utilisé aussi contre l’arthrite rhumatoïde, l’hydroxychloroquine, est efficace contre la COVID-19. Comme le Dr Raoult n’a pas fait d’essais avec placebo, des essais cliniques ont été lancés pour utiliser l’hydroxychloroquine comme traitement et comme prophylactique. Le volet montréalais d’une étude nord-américaine a recruté près d’une quarantaine de patients et en vise une centaine. Pour assurer que cet essai clinique aura assez de médicaments, le Québec a restreint l’accès à l’hydroxychloroquine à la plupart des patients qui en prenaient avant la pandémie.

Colchicine

Cette molécule, testée par l’Institut de cardiologie de Montréal, est l’exemple d’une stratégie différente. Plutôt que de se battre directement contre le virus, on tente de limiter ses effets les plus graves. Les chercheurs québécois espèrent que la colchicine, un médicament déjà utilisé contre la goutte, pourra freiner l’inflammation qui déclenche des problèmes respiratoires sévères chez certains patients. En rendant la maladie relativement inoffensive, on éliminerait la nécessité des mesures de confinement. L’étude en cours vise à tester la molécule sur 6000 patients. Le médicament se trouve déjà dans toutes les pharmacies du globe et coûte moins de 1 $ par jour. On saura dans trois mois s’il est efficace contre la COVID-19.

De vielles armes revisitées

Dans un laboratoire de niveau 3 de l’Université Laval, le Dr Guy Boivin veut mettre le virus qui cause la COVID-19 en contact avec des cellules respiratoires humaines. « On regarde l’ensemble des gènes qui s’allument et qui s’éteignent quand le virus entre dans la cellule et ça nous donne ce qu’on appelle sa signature », dit-il. Prochaine étape : regarder, parmi tous les médicaments connus, lesquels font l’inverse, signe qu’ils pourraient contrer l’effet du virus. Le Dr Boivin part avec une longueur d’avance : il a déjà fait l’exercice avec le virus de l’influenza et connaît donc la signature d’un grand nombre de médicaments. D’éventuelles substances prometteuses pourraient être testées sur des humains d’ici trois mois, puisque leur profil d’innocuité est déjà connu.

Et aussi

Des médicaments contre le VIH (le lopinavir et le ritonavir), le virus respiratoire syncytial (la ribavirine), la sclérose en plaques (interféron bêta) et la pancréatite (Fusan) sont également testés contre la COVID-19, parfois en combinaison.