Mémoire présenté dans le cadre des consultations relatives aux lignes directrices du CEPMB de juin 2020


Docteur Levine,

Nous vous écrivons au nom de BIOQuébec, Québec International et Montréal InVivo, trois organisations qui représentent ensemble la quasi-totalité des acteurs et des intervenants dans le secteur des sciences de la vie et des technologies de la santé dans la province du Québec.

Nous vous remercions de nous donner l’occasion de vous faire part de nos commentaires relativement aux lignes directrices provisoires publiées au mois de juin 2020.

De prime à bord, nous souhaitons souligner que le secteur des sciences de la vie et des technologies de la santé au Québec comprend plus de 660 entreprises représentant plus de 32 000 emplois de haute qualité au Québec, dont le salaire moyen est de plus de 70 000 $. Ce secteur est l’un des piliers les plus importants de l’économie québécoise et il investit à lui seul plusieurs milliards de dollars en recherche et développement dans la province. Le Québec attire aussi une large part des sièges sociaux canadiens d’entreprises œuvrant dans ce secteur. Le gouvernement québécois compte d’ailleurs sur ce secteur d’activité, y compris l’écosystème de recherche, pour catalyser la relance économique de la province dans le contexte de la pandémie de la COVID-19.

Nous sommes grandement préoccupés par le nouveau régime tarifaire proposé par le CEPMB et les incidences qu’il entraînera sur les patients du Québec, le système de santé, les investissements en recherche en santé et notre économie étant donné l’importance que revêt le secteur des sciences de la vie pour le Québec.

Plus particulièrement, la grande incertitude engendrée par les lignes directrices révisées risque de retarder et de limiter l’accès des Québécois aux médicaments les plus novateurs et de freiner les investissements en santé, y compris les investissements en recherche clinique et pré-clinique, ce qui nous préoccupe grandement. Avec les nouvelles lignes directrices, il devient quasiment impossible pour les compagnies biopharmaceutiques de prévoir quel prix elles pourront obtenir pour leurs produits avant de les lancer sur le marché canadien. Il devient alors très difficile pour les compagnies biopharmaceutiques de présenter un dossier commercial convaincant à leur siège social mondial afin de donner la priorité aux marchés québécois et canadiens pour le lancement de nouveaux médicaments et vaccins.

Ce que nos trois organisations constatent sur le terrain et ce qui est confirmé par des données récentes est que les nouvelles mesures proposées ont déjà commencé à réduire de façon importante le nombre de lancements de nouveaux médicaments au Canada, de même que les activités liées aux essais cliniques. Plus particulièrement, IQVIA, un chef de file en analyse de données en matière de santé, a complété une étude qui démontre une baisse marquée au niveau des lancements de nouveaux médicaments au Canada en 2019 (voir l’Annexe A du présent document pour plus de détails).

De plus, en affaiblissant le secteur biopharmaceutique qui est une maillon clé de la chaîne de l’innovation en sciences de la santé, on s’attend à ce qu’il y ait des répercussions néfastes sur l'ensemble de cette chaîne au Québec, y compris les instituts de recherche, les hôpitaux d'enseignement, les organismes de recherche sous contrat et les centres d'essais cliniques.

Nous sommes d’autant plus préoccupés que cette réforme survient à un moment critique tant pour le système de santé et que pour l’économie du Québec en raison de la crise sanitaire. À un moment où il nous faut de nouveaux vaccins et médicaments pour lutter contre la COVID-19, nous ne pouvons pas nous permettre d’appliquer de nouvelles mesures dont l’impact est incertain et qui pourraient compromettre la santé des Québécois. De plus, les nouvelles mesures proposées suscitent une incertitude supplémentaire inutile pour les entreprises et les instituts de recherche du secteur, qui sont déjà aux prises avec la crise liée à la COVID-19.

Par ailleurs, le Québec a déjà mis en place des processus efficaces pour contrôler son budget médicaments, y compris un organisme d’évaluation, l’Institut national d’excellence en santé et en services sociaux (l’INESSS). Le Québec réalise aussi des économies substantielles en menant des négociations directement avec les fabricants, notamment par l’entremise de l’Alliance pancanadienne pharmaceutique. En 2019, le Québec a ainsi économisé plus de 400 millions de dollars grâce à des ententes négociées. Ces négociations offrent la souplesse nécessaire pour répondre aux besoins particuliers des patients et de la province.

De plus, les nouvelles mesures fédérales vont à l’encontre de l’objectif de faire du Québec une destination de choix pour les investissements mondiaux afin de faire croître son économie. Elles menacent l’objectif de la Stratégie québécoise des sciences de la vie qui est de faire du Québec l’un des cinq pôles nord-américains les plus importants du secteur d’ici 20275 .

Nous ne sommes pas les seuls à être préoccupés par les effets de la réforme fédérale. Plusieurs autres acteurs québécois6 ont exprimé des préoccupations face aux nouvelles mesures, y compris le gouvernement du Québec, des groupes de patients tels que l’Alliance des patients pour la santé et la Coalition priorité cancer au Québec et des organisations de recherche telles que Catalis Recherche clinique Québec et Q-CROC pour n’en citer que quelques-uns. Mélanie Bourassa Forcier, experte québécoise en matière de politiques de la santé et désormais vice-présidente du CEPMB, a aussi encouragé une discussion éclairée sur cet enjeu, mentionnant que « [c]es seules questions justifient que la réforme du CEPMB se fasse dans un contexte plus large, plus transparent, mieux documenté et surtout, il importe que nos représentants provinciaux s’expriment davantage dans ce dossier » .

À la lumière de ce qui précède, nous demandons que le CEPMB revoit son approche afin de mieux répondre aux préoccupations du secteur. Au final, nous préconisons une approche plus équilibrée et élaborée en collaboration avec les divers intervenants afin que les patients québécois puissent bénéficier d’un accès rapide aux médicaments novateurs et que notre écosystème de recherche puisse continuer à prendre de l’ampleur et contribuer à la prospérité et à la santé de la province dans le monde de l’après-pandémie.