Mémoire présenté dans le cadre des consultations relatives au PSELD du CEPMB


20 juin 2021

Docteur Levine,

Au nom de BIOQuébec, nous apprécions l’occasion qui nous est offerte de transmettre nos perspectives concernant le Plan de surveillance et d’évaluation des Lignes directrices (PSELD) proposé par le Conseil d’examen du prix des médicaments brevetés (CEPMB).

De prime à bord, nous tenons à souligner que nous sommes toujours grandement préoccupés par le nouveau régime tarifaire du CEPMB. Selon nous, ce régime est mal orienté, mal appuyé et mal avisé. Plus particulièrement, ces nouvelles règles feront en sorte qu’il sera impossible pour une compagnie de savoir à l’avance comment elle pourra récupérer ses investissements au Canada. C’est en raison de cette grande incertitude que le régime entraînera les conséquences négatives suivantes:

  • Le nouveau régime tarifaire risque de contrecarrer des projets d’investissement.

  • L’entrée sur le marché de médicaments novateurs pourrait être compromise, avec un impact direct sur des patients.

En fait, les études récentes montrent que les changements apportés au régime tarifaire ont déjà influé de façon négative sur les décisions touchant les lancements de nouveaux médicaments et la recherche clinique au pays. 1 Nous sommes donc inquiets que la réforme viendra déstabiliser l’écosystème des sciences de la vie au Québec et au Canada alors que notre pays se bat toujours contre la pandémie de la COVID-19 et cherche à s’en remettre. La crise sanitaire a plutôt mis en évidence l’importance pour le gouvernement de soutenir, de promouvoir et de travailler en collaboration avec le secteur des sciences de la vie, et non de l’étouffer comme le fera la réforme tarifaire.

En outre, une réforme d’une telle envergure avec des répercussions aussi importantessur le système de la santé et l’économie devrait être appuyée par les provinces, car celles-ci sont responsables de de la gestion de ce système et travaillent ardemment à relancer leur économie à la suite de la pandémie. Or, les deux plus grandes provinces du pays, soit le Québec et l’Ontario, ont clairement exprimé leurs graves préoccupations face à la réforme.2 Le Québec va même plus loin et conteste en fait la constitutionnalité de cette réforme devant la Cour d’Appel du Québec, estimant que les changements apportés au régime tarifaire ne relèvent pas d’un champ de compétence fédéral, mais bien de celui des provinces. Ces dernières ont d’ailleurs déjà mis en place des processus afin de contrôler les prix des médicaments comme notamment le processus de négociation de l'Alliance pancanadienne pharmaceutique (l’APP).

Dans ce contexte, nous sommes d’avis qu’il faut retirer ou, à tout le moins, revoir en profondeur le Règlement sur les médicaments brevetés et les nouvelles lignes directrices. Pour ce faire, il s’avère nécessaire d’immédiatement suspendre la mise en œuvre de la nouvelle réglementation prévue pour le 1er juillet 2021. Ceci nous permettra de discuter des changements de façon plus réfléchie, plus large, d’engager nous le souhaitons une discussion pour la mise en place d’une stratégie canadienne des sciences de la vie qui prendra en compte non seulement l’aspect du prix des médicaments mais de tout le continuum de la recherche, du développement et de la mise en marché des innovations en santé.

En ce qui concerne le PSELD, BIOQuébec entretient de sérieuses réserves quant à la capacité du CEPMB de surveiller les répercussions de son nouveau régime tarifaire de façon neutre et impartiale pour les raisons suivantes :

  • Malgré des études récentes démontrant le contraire,3 le CEPMB a toujours nié le fait que les nouvelles règles auront une incidence sur l’accès aux nouvelles technologies de la santé ou sur l’écosystème des sciences de la vie. Le CEPMB a souvent étayé ses positions par des données qu’il a pris soin de choisir, sans en citer la source.

  • En dépit du processus de consultation du CEPMB sur la réforme qui dure depuis plusieurs années, très peu de changements ont été apportés à la façon dont le CEPMB entend mettre en œuvre les nouvelles règles, et les répercussions seront beaucoup plus importantes que celles prévues par l’organisme quasi judiciaire. Une erreur méthodologique évidente dans les prévisions du CEPMB est l’utilisation d’un taux d’actualisation de 7 %, lequel est de beaucoup supérieur au taux d’inflation ou d’intérêt réel. Par conséquent, le CEPMB sous-estime considérablement l’incidence prévue des changements. L’analyse du CEPMB néglige aussi totalement l’impact qu’auront des décisions de ne pas lancer de nouveaux médicaments au pays en raison de la réforme.

  • La stratégie du CEPMB visant à minimiser les répercussions de la réforme a récemment été mise en évidence dans son plan de communication du mois de février 2021. 4 En tant qu’organisme de réglementation quasi judiciaire ayant le devoir de mettre en œuvre les politiques gouvernementales d’une manière neutre et objective, le comportement récent du CEPMB – c’est-à-dire mener auprès des députés et d’autres intervenants une véritable campagne de lobbying visant à faire taire les opinions divergentes et à obtenir un appui pour ses réformes – est inacceptable. Le CEPMB s’est acharné sur les patients qui ont besoin de médicaments et a dénigré le secteur réglementé des sciences de la vie, ce qui remet en question sa capacité de mener à bien de façon responsable son mandat de tribunal quasi-judiciaire neutre et indépendant.

BIOQuébec recommande donc fortement que ce rôle primordial de vérification soit assumé par une tierce partie indépendante qui détient une expertise en évaluation de politiques, de règlements et de programmes. Pour conclure, nous demeurons fortement préoccupés par les incidences qu’entraînera la réforme sur les patients du Québec, le système de santé, les investissements en recherche en santé et l’ensemble de l’écosystème des sciences de la vie du Québec. La suspension de la mise en œuvre de la réglementation tarifaire appuierait de façon importante la réponse de notre secteur face à la crise, en plus de donner à tous plus de temps pour explorer des approches différentes relativement à la réglementation des prix. Veuillez agréer, Dr Levine, l’expression de nos sentiments distingués.

Anie Perrault, LL.L, ASC
Directrice générale, BIOQuébec

1 IQVIA, 22 juin 2020, Lancement de nouveaux médicaments : Le Canada dans un contexte global: https://lifesciencesontario.ca/wp-content/uploads/2020/06/FR_LSO_Global-Launch-Benchmarking_WebinarJune22-20_Final.pdf; et Rawson N., Essais cliniques au Canada: signes inquiétants persistent malgré la réponse superficielle du CEPMB, Canadian Health Policy, 2021: https://www.canadianhealthpolicy.com/products/essaiscliniques-au-canada--signes-inqui--tants-persistent-malgr---la-r--ponse-superficielle-du-cepmb.html

2 Bellavance, J-D., La Presse, « Québec s’oppose au « cheval de Troie » du gouvernement Trudeau », 21 mai 2021 : https://www.lapresse.ca/affaires/2021-05-21/prix-des-medicaments/quebec-s-oppose-au-cheval-de-troie-dugouvernement-trudeau.php; et Hill Times Research, « Ontario and Quebec push back on PMPRB rule changes », 2 juin 2021: https://hilltimesresearch.ca/ontario-and-quebec-push-back-on-pmprb-rule-changes/ 3 Supra note 1.

4 Plan de communication du CEPMB, 9 février 2021: https://www.dropbox.com/s/eusxuabcq26uqt9/PMPRB%20ATIP%20Disclosure.pdf?dl=0