De précieux conseils pour démarrer son entreprise en sciences de la vie


Le 17 février dernier, trois entrepreneurs chevronnés nous ont partagé leur expérience en démarrage d’entreprise. Michel Fortin, Président et chef de la direction et fondateur d’Evah, Pierre Lemieux, Chef des opérations et de la direction scientifique et cofondateur d’Acasti Pharma et James Fethière, Co-fondateur et chef scientifique d’IniXium ont prodigué de précieux conseils à nos jeunes entrepreneurs.

BIOQuébec vous propose de profiter de l’expérience de nos experts, en découvrant leurs parcours inspirants et en tirant parti de leurs conseils pour réussir le démarrage de son entreprise en sciences de la vie.


Profils des entrepreneurs

Pierre Lemieux
Ph.D., Chef des opérations et de la direction scientifique, cofondateur, Acasti Pharma

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Le scientifique devenu entrepreneur en série

 

Après un postdoctorat à San Antonio, Texas, Dr Lemieux a fait le saut dans l’industrie pour revenir s’établir au Canada et parfaire ses connaissances en développement du médicament en joignant d’abord Angiotech Pharmaceuticals à Vancouver, puis Supratek Pharma situé dans les locaux de l’INRS.

« Faire le saut en industrie, ça a été pour moi une révélation, une épiphanie par rapport à ce qu’on peut faire de très bien en sciences au sein d’une compagnie avec des moyens financiers»

C’est à la suite de cette expérience que Dr Lemieux a décidé de lancer sa propre biotech, avec un chercheur de l’INRS: Biolactis Technologie, une entreprise de valorisation des protéines laitières pour leurs propriétés en gestion de poids et en amélioration du profil lipidique. La biotech a obtenu des résultats cliniques intéressants et a été vendue à Nestlé après 10 ans d’activités.

Dr Lemieux a ensuite participé à la fondation d’Acasti Pharma, qui était alors une entreprise inactive appartenant à Neptune. Celle-ci vendait de l’huile de Krill et voulait l’étudier pour ses propriétés médicales pour la vendre comme un produit pharmaceutique, ce à quoi Dr Lemieux a grandement contribué avec son expérience en développement pharmaceutique. Les études de Phase 3 sur ce produit n’ont pas été concluantes, mais ont permis à l’équipe d’en apprendre beaucoup pour améliorer la suite i.e. le prochain protocole clinique et donc de transformer cette situation en opportunité de vente d’actifs potentielle.

Acasti est devenue une entreprise cotée en bourse qui se porte bien. Elle se concentre sur les médicaments et de technologies traitant des maladies rares et orphelines et elle vient de faire l’acquisition de Grace Therapeutics, une biotech américaine basée au New Jersey.

« Ce que ça démontre, c’est qu’il y a des hauts et des bas, plusieurs phases dans la vie d’une entreprise »

Apprenez-en plus sur Acasti Pharma


Michel Fortin
Président et chef de la direction, fondateur, Evah

Le financier à la tête d’entreprises en sciences de la vie

 

M. Fortin n’est pas un scientifique, comme bon nombre d’entrepreneurs en sciences de la vie, mais plutôt un financier. Il considère que, en tant qu’homme d’affaires, il prend des décisions différentes des scientifiques qui, eux, cherchent à avoir une réponse parfaite.

« J’essaie de prendre un plus grand nombre de décisions et je m’assure qu’à la fin, j’ai pris plus de bonnes que de mauvaises décisions. Les mauvaises décisions ne me font pas peur ! »

M. Fortin a contribué à mettre du financement en place pour de nombreuses entreprises, dont plusieurs en sciences de la vie, faisant de lui un expert du domaine. Il a été directeur financier de Neptune, qu’il a amené au stade de société publique.

En 2005, M. Fortin est devenu directeur général de Prevtec Microbia, une entreprise en santé animale développant des vaccins pour les animaux de ferme. Ce qu’il avait estimé qui lui prendrait 3 à 5 ans lui a pris près de 15 ans, pendant lesquels il a levé 20 à 25 M$ et obtenu l’homologation du vaccin, qui a été vendu, avec 3 autres technologies, à Elanco pour 100 M$.

Le rachat d’Elanco par Bayer a eu pour triste conséquence la fermeture imprévue de Prevtec. M. Fortin ne s’est pas laissé abattre par cette décision et a négocié avec Elanco pour racheter les technologies développées par Prevtec pour lancer Evah, sa nouvelle entreprise en santé animale.  

« Le succès amène le succès. Alors que ça nous a pris 14 ans pour lever 20 M$ avec Prevtec, nous avons réussi à lever le même montant en 8 mois pour Evah. Mes prochains objectifs seront de lancer EVAH 2 et EVAH3 en levant 100 M$ en 2 semaines. Je sais que c’est possible de le faire. Si vous êtes capables de démontrer que vous avez réussi, que vous êtes dans un bon espace avec la bonne équipe, vous allez voir que l’argent est disponible. »

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James Féthière
Co-fondateur et chef scientifique, IniXium

Le scientifique acharné qui a démarré une entreprise de services de premier plaN

 

Dr Féthière a toujours eu la fibre entrepreneuriale sans le savoir. À la fin de son stage post-doctoral, il a voulu démarrer une entreprise de service de recherche avec son collègue René Coulombe, mais la conjoncture n’était pas favorable. Il est alors parti en Europe pour faire un second stage post-doctoral.  Pendant son séjour en Europe il a eu l’opportunité d’intégrer une start-up en services et technologies pour la découverte du médicament, confirmant son intérêt pour la recherche en milieu industriel et son désir de démarrer sa propre startup. De retour au Canada, il est retourné dans les laboratoires académiques, tout en conservant son idée entrepreneuriale derrière la tête, jusqu’à ce que la conjoncture soit favorable.

 Avec plus d’expérience en poche, il a alors démarré IniXium avec René Coulombe. Les jeunes entrepreneurs ont vite réalisé que, bien qu’ils étaient d’excellents scientifiques, ils manquaient de connaissance en entrepreneuriat.

 « Ce que nous avons découvert, c’est que le parcours entrepreneurial est vraiment un parcours d’apprenants. »

 Dr Féthière et Mr Coulombe ont développé les compétences entrepreneuriales au jour le jour en étant des apprenants humbles et résilients. Ils ont mis à profit les habiletés acquises lors d’une formation en entrepreneuriat, tout en démarrant et faisant vivre et grandir l’entreprise. Ils ont travaillé 7 jours sur 7 pendant 8 ans, dont 7 ans passés au CQIB d’où ils ont gradué en 2021.  Cette persévérance leur a permis de bâtir une excellente réputation dans les biotechs nord-américaines. Aujourd’hui, comme beaucoup de jeune start-up, ils apprennent à gérer la croissance… un beau défi. Guidés par leur quête d’excellence, pour eux, « good enough is not enough ».

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Conseils aux jeunes entrepreneurs : un résumé en 13 points

 

  1. Pour une ORC qui offre du service, ce sont les clients qui garantissent le financement de l’entreprise. Des clients satisfaits référeront l’entreprise à leur réseau : ils font une bonne partie du développement d’affaires. Il est donc essentiel de soigner votre réputation et de viser l’excellence pour vous assurer d’avoir de bonnes références.

    •   « Good enough is not enough »

  2. Lorsqu’on démarre une entreprise, avoir un mentor expérimenté peut faire une très grosse différence. Trouvez quelqu’un qui est dans votre secteur d’activité, qui comprend votre vision, qui comprend d’où vous venez et où vous allez pour vous guider.  

  3. Pour une jeune entreprise, obtenir du financement est un obstacle majeur. Il faut bien articuler son message aux investisseurs pour démontrer ses sources de revenus potentiels et sa valeur.

  4. Les premiers financements sont souvent des subventions et du financement non déductif : des petits montants qui attireront progressivement des investissements plus importants. L’entrepreneur doit souvent faire des sacrifices au début (i.e. peu ou pas de salaire dans les premières années) qui vaudront la peine pour la suite.

  5. Développer votre réseau aux États-Unis, faites-vous connaître des financiers américains : il y a de nombreuses sources de financement de l’autre côté de la frontière.

  6. Sachez bien vous entourer : trouver les bons partenaires fiables et loyaux, présents beau temps mauvais temps, qui vous accompagneront dans les moments difficiles. Bâtissez des relations humaines fortes avec des partenaires et des associés qui vous prodigueront des conseils légaux et financiers. Être capable de s’entourer de gens externes compétents fait une grande différence.

  7. Consultez à l’externe : il ne faut pas craindre d’aller chercher l’expertise dont vous avez besoin. Les gens qui apprécient votre idée peuvent vous aider et vous offrir leurs services à un tarif réduit, et faire une grande différence.

  8. Faites vos devoirs avant de vous lancer et évaluez le potentiel commercial de votre technologie : une étude de marché vaut la peine d’être faite dès le départ, pour convaincre vos financiers de votre valeur et être capable de tracer le portrait de votre entreprise dans 4-5 ans

  9. Mesurez bien les attentes : veillez à ne pas créer d’attentes trop fortes avec vos investisseurs. Des attentes non atteintes créeront des difficultés lors des prochaines rondes. À l’inverse, si les attentes sont dépassées, les groupes seront plus enclins à vous aider et vous faire profiter de leur réseau.

  10. Mettez les humains au centre de votre entreprise : les gens qui vous entourent peuvent faire toute la différence. Ce sont les gens avec qui vous travaillez qui vont faire arriver les choses. Une personne qui croit en votre produit peut faire toute la différence. Un bon ambassadeur pourra convaincre son comité d’investissement ou trouver des solutions pour contourner des obstacles.

  11. Soyez très très très prudents avec les offres des multinationales pour ne pas être liés de façon trop serrée. Le temps que votre produit soit prêt, la multinationale pourrait opérer des changements stratégiques ou les gens en place pourraient changer et votre technologie pourrait ne plus les intéresser. Elles pourraient tout de même refuser de la laisser aller à leurs compétiteurs.

  12. Il ne faut pas lâcher ; il faut continuer d’avancer : si vous avez confiance en vous, en votre produit, en votre équipe et en votre technologie, vous n’avez pas autres choix que de foncer.

  13. Le temps est toujours un facteur très difficile à gérer : ce que vous pensez qui vous prendra 3 ans en prendra 5. Soyez en conscients pour gérer le temps entre deux rondes de financement.   

 

BIOQuébec et CQIB remercient chaleureusement nos invités pour leur très grande générosité.