La montréalaise Imagia fusionne et lève 20 millions


En santé, traiter le cancer est le défi du siècle. Équiper le secteur oncologique des outils les plus puissants n’est pas une sinécure non plus. S’étant heurtée depuis quelques années à trop de portes closes, la société montréalaise d’intelligence artificielle Imagia annonce aujourd’hui son intention de fusionner avec Canexia Health, de Vancouver, afin de créer un poids lourd nord-américain plus apte à percer ce marché.

Située en plein cœur de la Cité de l’intelligence artificielle, dans le quartier Mile-Ex de Montréal, Imagia a mis au point ces dernières années des solutions avancées d’imagerie médicale qui parviennent à déceler très tôt dans leur développement des tissus et des cellules cancéreuses. Plus récemment, elle a créé une plateforme informatique permettant un meilleur partage des données médicales entre centres hospitaliers pour accélérer la recherche clinique.

Canexia Health a développé pour sa part une technique de repérage du cancer à partir d’un simple échantillon sanguin, plutôt qu’à l’aide d’une biopsie, plus complexe. L’entreprise mise par ailleurs sur le biomarquage pour proposer des traitements sur mesure et individuels selon l’état de santé du patient.

À partir de maintenant, toute cette expertise sera mise en commun au sein d’une nouvelle société appelée Imagia-Canexia Health. Celle-ci aura son siège social à Montréal et sera dirigée par l’actuelle p.-d.g d’Imagia, Geralyn Ochab. Une fois la fusion achevée, l’entreprise comptera environ 90 employés dans ses bureaux situés à Montréal, à Vancouver et à San Diego, en Californie.

Un nouvel acteur nord-américain

« Nous devenons soudainement un spécialiste canadien de l’oncologie qui a une expertise unique pour proposer des traitements spécifiques pour chacun des patients, plutôt que de fournir une solution unifiée pour tout le secteur nord-américain de la santé, explique en entrevue au Devoir Geralyn Ochab. Notre objectif est d’élargir l’accès à ce type de traitements au 85 % de la population nord-américaine qui n’habite pas à proximité des grands centres hospitaliers et universitaires. »

Car, évidemment, la recherche de pointe en oncologie qui se fait en Amérique du Nord est très concentrée dans certains grands centres urbains. Les technologies numériques appliquées à la santé, comme la vision par ordinateur — généralement associée à ce qu’on appelle l’intelligence artificielle —, demeurent également nichées près de ces pôles de recherche.

À Imagia, on peinait depuis la création de l’entreprise, en 2015, à s’implanter au-delà d’un nombre restreint de centres spécialisés, comme les centres hospitaliers universitaires affiliés à diverses universités, dont McGill, l’Université Laval et l’Université de Pennsylvanie, aux États-Unis. À l’autre bout du continent, Canexia admet avoir connu la même situation : difficile d’élargir l’accès à des outils de pointe quand tout demeure concentré dans les centres universitaires…

« Nous nous fixons désormais trois objectifs : accroître notre rayonnement à l’ensemble de l’Amérique du Nord, continuer d’investir dans l’amélioration de notre technologie et surtout proposer une solution commerciale qui sera accessible à l’ensemble des acteurs du secteur de la santé au Canada et aux États-Unis », ajoute Mme Ochab.

Coup de pouce financier

La nouvelle entité montréalo-vancouvéroise reçoit dans la foulée une nouvelle aide financière qui prend la forme d’un cycle de financement de 20 millions de dollars pour l’aider à boucler la transaction et à poursuivre son développement.

Les bailleurs de fonds comprennent des investisseurs déjà impliqués dans l’une ou l’autre des deux entreprises, dont la firme de Hong Kong PacBridge Capital et Desjardins Capital. La Banque de développement du Canada (BDC), par l’entremise de son Fonds pour les femmes en technologie, est également de la partie.

 C’est sûr qu’élargir notre carnet de clients sera important. Nous pensons pouvoir hausser substantiellement nos revenus rapidement.

— Geralyn Ochab

« Jumeler deux entreprises en technologies avancées qui promettent un accès plus abordable et plus direct au traitement du cancer par des patients peu importe où ils se trouvent, c’est exactement le genre de projets dans lequel nous souhaitons investir », a dit l’une des dirigeantes du Fonds pour les femmes en technologie de la BDC, Michelle Scarborough.

Cette injection de nouveaux capitaux représente « un vote de confiance » des partenaires financiers d’Imagia-Canexia Health, assure Geralyn Ochab. L’entreprise refuse de divulguer l’état de ses revenus et de sa situation financière, mais elle indique tout de même posséder des ententes commerciales avec une vingtaine de centres hospitaliers et au moins quatre sociétés pharmaceutiques.

« C’est sûr qu’élargir notre carnet de clients sera important. Nous pensons pouvoir hausser substantiellement nos revenus rapidement », assure la p.-d.g. d’Imagia. Celle-ci compte cibler les décideurs à tous les niveaux du système de santé nord-américain pour y arriver. Le secteur de la santé est plutôt fragmenté, tant au Canada qu’aux États-Unis, où ce sont parfois les hôpitaux eux-mêmes, sinon des fonctionnaires de l’État ou de la province, ou encore carrément le gouvernement fédéral, qui ont parfois le dernier mot.