Bataille juridique pour protéger le pouvoir des provinces de fixer le prix


(Ottawa) Le gouvernement Trudeau cherche par des moyens détournés d’arracher aux provinces le pouvoir que leur accorde la Loi constitutionnelle de 1867 de réglementer le prix des médicaments sur leur territoire.

C’est du moins ce que soutiennent des géants de l’industrie pharmaceutique dans une cause qu’ils ont portée récemment devant les tribunaux et qui risque d’avoir d’importantes retombées politiques, économiques et juridiques. L’issue de cette cause pourrait également avoir des conséquences sur les investissements dans la recherche et le traitement de patients atteints de maladies rares.

Sept géants de l’industrie pharmaceutique contestent devant la Cour supérieure du Québec des changements « majeurs » entérinés il y a quelques mois par le cabinet fédéral qui visent à accorder de plus larges pouvoirs au Conseil d’examen du prix des médicaments brevetés (CEPMB) afin de réglementer les prix des médicaments au Canada. Les lignes directrices encadrant ces nouveaux pouvoirs doivent entrer en vigueur le 1er janvier 2021.

Selon les sociétés Merck Canada, Janssen Canada, Servier Canada, Boehringer Ingelheim Canada, Bayer Inc., Theratechnologies Inc. et Avir Pharma, le gouvernement fédéral tente, par ces modifications, de s’arroger un pouvoir qui appartient clairement aux provinces dans le but de réduire de manière draconienne le prix des médicaments.

Fait à noter, la croisade juridique de ces sociétés est entre autres appuyée par des organisations comme Fibrose kystique Canada, la Canadian Organization for Rare Disorders et l’Intellectual Property Owners Association. Ces organisations redoutent l’impact des velléités du gouvernement Trudeau sur les investissements et la recherche sur les nouveaux médicaments.

Créé dans les années 1980 par le gouvernement progressiste-conservateur de Brian Mulroney, le CEPMB s’était vu confier au départ un rôle limité de « chien de garde » afin d’éviter qu’une entreprise cherche de manière abusive à tirer profit d’un nouveau médicament breveté et de son monopole statutaire pour exiger un prix « excessif ».

Or, selon les sociétés pharmaceutiques, le gouvernement Trudeau se livre à un véritable coup de balai constitutionnel pour lui donner de nouveaux pouvoirs, alors qu’il tente de mettre sur pied un programme national d’assurance médicaments.

Dans un récent mémoire déposé à la Cour supérieure du Québec, les sociétés conviennent que le gouvernement fédéral détient le pouvoir d’émettre les brevets. Mais ce pouvoir ne veut pas dire qu’il peut aussi fixer le prix des inventions, selon elles. Cette compétence appartient aux provinces. D’abord parce que cela touche la propriété et les droits civils en vertu de l’article 92 (13) de la Loi constitutionnelle de 1867. Ensuite parce que les hôpitaux sont de compétence provinciale. Et enfin parce que la responsabilité des matières de nature « purement locale ou privée », comme la santé, incombe aux provinces.