Voici quelques-uns de vos héros des vaccins québécois


Le sprint aux allures de marathon qu’ont entrepris, au Québec, Medicago et IMV pour fabriquer chacune un vaccin contre la COVID-19 se poursuivra en 2021. La livraison de premiers vaccins internationaux enlève toutefois un peu de pression sur ces deux entreprises de la capitale, qui se concentrent désormais à livrer un produit dont l’efficacité sera supérieure.

Sans aller jusqu’à parler d’un soulagement, le président-directeur général d’IMV qualifie les premières livraisons du vaccin de Pfizer, plus tôt en décembre, de « bonne nouvelle ».

« Ça va enlever de la pression à tout le monde. C’est un retour vers le plus rationnel. On ne nous demandera plus si on sera les premiers. Nous, on a toujours travaillé à améliorer la durée de protection », fait remarquer Frédéric Ors, ambitieux pour 2021.

Son entreprise, qui travaille habituellement sur le cancer, croit avoir la bonne plateforme pour assurer une protection à long terme. Ne reste plus qu’à avoir l’autorisation de tester le tout sur l’humain.

« On attend le OK de Santé Canada. Mais on espère avoir des données cliniques pour la moitié de 2021, et ensuite, c’est la comparaison entre nos résultats et les vaccins déjà distribués qui dictera la suite », explique le dirigeant, insistant sur le fait que la course se transpose maintenant sur le long terme. « C’est loin d’être terminé. »

Frénésie

Chez Medicago, la frénésie de 2020 se transposera au moins au début de 2021. « On en a encore pour quelques semaines ou même quelques mois de folie », convient Nathalie Charland, directrice des affaires scientifiques et médicales. « Le but de tout ça est d’apporter un vaccin qui fonctionne en 2021. »

Pour y arriver, l’entreprise poursuivra ses essais cliniques de phase 2 et entend faire chevaucher ceux de phase 3 sur les précédents. Medicago a récemment reçu l’autorisation de faire des études auprès de deux clientèles vulnérables, soit les personnes âgées et celles atteintes de maladies chroniques, tant au Canada qu’aux États-Unis.

« On espère les résultats de phase 3 au printemps, et on espère commencer à livrer au milieu de 2021. [...] On a une entente pour 80 millions de doses en 2021 et on entend y arriver », assure Mme Charland, rappelant que l’entreprise attend une telle occasion depuis 15 ans maintenant. 

« Ça fait 15 ans qu’on travaille notre plateforme vaccinale et qu’on attend cette chance. C’est très stimulant. »

Souhait commun pour 2021

Tant chez Medicago que chez IMV, on souhaite que 2021 apporte un engagement clair des gouvernements pour le déploiement d’une réelle filière canadienne de développement de vaccins. 

La COVID-19 aura prouvé qu’il est plus important que jamais d’être autonome à ce niveau.

« On doit réaliser que c’est le temps de faire les efforts pour qu’on soit indépendants », soutient Frédéric Ors, affirmant que trop souvent « quand la crise est finie, il n’y a plus de motivation ».

« On sent que le gouvernement a une volonté qu’on ait une capacité au Canada [...] J’espère qu’on va pouvoir mieux utiliser ce qui se passe sur notre propre sol », ajoute Julie Gagnon, superviseure des laboratoires de recherche et développement des procédés chez Medicago. 

Quand vaincre la pandémie devient un effort familial 

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Annie Tanguay, vice-présidente senior à la qualité et à la conformité, IMV, avec ses filles Élodie et Clémence.

La lutte à la pandémie est devenue un effort de famille chez Annie Tanguay, vice-présidente à la qualité et à la conformité chez IMV. En plus de plancher sur le vaccin contre la COVID-19 pendant un nombre fou d’heures, la mère de famille s’inquiétait au quotidien pour ses deux filles qui travaillaient en CHSLD et en centre hospitalier sur des départements COVID. 

« Même si on vivait à la même adresse, j’ai passé le plus clair de mon année au chalet pour diminuer les contacts avec elles et diminuer les risques. [...] Au niveau de la vie familiale, ç’a été plus difficile, ç’a été un sacrifice de tout le monde chez nous », raconte Mme Tanguay, fière que sa famille ait pu faire une différence. 

L’engagement d’Élodie et de Clémence l’a également amenée à un autre niveau dans son propre travail. On peut affirmer sans se tromper qu’il y aura un peu de leur expérience dans le vaccin d’IMV. 

« Mes filles me partageaient ce qu’elles vivaient au quotidien. La peine, la douleur des gens hospitalisés ou en CHSLD. Ça donnait une autre perspective à mon travail. Je comprenais à quel point ce vaccin-là est nécessaire », confie Annie Tanguay. 

Julie Gagnon, Superviseure de laboratoire, Medicago | Chef d’orchestre à temps plein 

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Julie Gagnon œuvre comme superviseure des laboratoires de recherche et développement des procédés chez Medicago.

Maman de trois petites filles et superviseure des laboratoires de recherche et développement des procédés chez Medicago, Julie Gagnon a vécu une année 2020 «complètement folle».

«Le confinement a été très difficile», confie sans détour Mme Gagnon qui devait jongler à certains moments entre ses trois enfants à la maison et la production d’un vaccin mondialement attendu.

Si elle illustre la production du vaccin comme une fanfare que l’on doit coordonner, force est d’admettre que Julie Gagnon a été chef d’orchestre à temps plein au cours des derniers mois.

«Ce n’est pas évident quand la petite de 4 ans tourne en rond et s’ennuie, mais que toi tu es en meeting. Faire ces choix entre le travail et la maison, c’était difficile», ajoute-t-elle, qualifiant le tout de «belle jungle».

Au boulot aussi, «la vie des gens a changé» en 2020. En mars, quand la compagnie a décidé de faire le saut dans «la course au vaccin», c’est son équipe qui allait faire le premier relais de cette longue course.

«Quand le mois de mars est arrivé, c’est notre équipe qui a été mise en avant-plan au départ. [...] C’était beaucoup d’organisation et de réorganisation. Ça demandait des grosses journées, mais c’était beau à voir aller», souligne la superviseure, qui se réjouit de la reconnaissance reçue cette année. «Avant, quand je disais que je travaillais chez Medicago, je devais expliquer ce qu’on faisait, mais c’est terminé ce temps-là!»

Marie-Ève Charrois, Vice-présidente aux affaires réglementaires, IMV | Jongler avec des règles en évolution 

PHOTO STEVENS LEBLANC

Marie-Ève Charrois occupe le poste de vice-présidente aux affaires réglementaires au sein d’IMV.

Courroie de transmission entre son entreprise et Santé Canada, la vice-présidente aux affaires réglementaires d’IMV a vécu une année 2020 exaltante.

Arrivée chez IMV en juin, forte de 20 ans d’expérience dans le domaine, Marie-Ève Charrois s’est attaquée au défi majeur que représente le suivi des normes réglementaires d’un vaccin produit à vitesse Grand-V. Jour, soir, nuit, les changements réglementaires et nouveautés liés à la production de vaccins n’avaient pas d’horaire.

«On est dans l’inconnu. On est toujours à essayer de deviner ou de prévoir quel sera le prochain mouvement, la prochaine décision. [...] On se disait souvent ‘’qu’en date d’aujourd’hui’’ devenait ‘’en date de ce matin’’ et pouvait devenir ‘’en date d’il y a 10 minutes’’ tellement les choses changeaient vite», raconte en riant Mme Charrois.

Mère de deux enfants, elle avoue avoir eu des difficultés à garder l’équilibre par moment. Comme tout le monde, la pandémie a impacté sa vie, mais la nature de son boulot est venu encore plus chambouler son quotidien.

«Il ne faudrait pas qu’en essayant de combattre la COVID, je me mette à terre. C’est ce que je me suis dit à un certain moment», se rappelle Marie-Ève Charrois, qui s’est souvent rattaché au fait de vivre un moment historique.

«Je me sens très privilégié de vivre ce moment-là de l’intérieur. J’ai assisté en ligne à un comité de la FDA sur la réglementation des vaccins en urgence. Je me suis dit : ‘’L’histoire s’écrit en face de moi’’», se souvient avec émotion la dirigeante quand on lui demande son moment fort de l’année.

Frédéric Ors, Président-directeur général, IMV | Une « année-vaccin », 24/7 

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Frédéric Ors est le président-directeur général d’IMV.

S’il a été difficile de penser à autre chose que la pandémie pour le commun des mortels en 2020, le président-directeur général d’IMV et ses proches ont vécu une année monopolisée par le vaccin.

Tâchant lui-même de mener à terme le développement du vaccin d’IMV, Frédéric Ors partage sa vie avec une responsable de l’autre grand joueur québécois de la course au vaccin, Medicago. Difficile de décrocher!

«On essaie de ne pas trop en parler ma femme et moi, mais c’est difficile», convient en riant le dirigeant. «Ça ajoute à la difficulté de se déconnecter de la situation. [...] Disons que ça a été pas mal vaccin 24/7 avec quelques petits moments pour s’échapper, mais rarement».

Frédéric Ors décrit son année 2020 comme un espère de trou noir où le travail aura absorbé pas mal tout le reste. Tout ça, pour trouver un remède à la pandémie.

«On a consacré, je ne dirais pas l’intégralité, mais une très grande partie de notre vie au travail. Il n’y avait plus vraiment de démarcation entre les moments qu’on était au travail et ceux où on ne l’était pas. C’était en continu, toujours un peu là», confie-t-il, saluant au passage le dévouement de ses équipes.

«Les gens ne le réalisent pas toujours, mais on a étiré ce qu’il était humainement possible de faire sur une longue période. Des rushs de 9 mois, c’est un peu surhumain quand on y pense».

​Nathalie Charland, Directrice des affaires scientifiques et médicales, Medicago | Devenir le visage d’un vaccin attendu

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Nathalie Charland travaille comme directrice des affaires scientifiques et médicales chez Medicago.

Pour Nathalie Charland, l’année 2020 se sera beaucoup passée sous les projecteurs. Directrice des affaires scientifiques et médicales de Medicago, elle était responsable du rayonnement des travaux de ses équipes et des liaisons avec les partenaires ou les médias. Elle n’aurait pas cru en venir à être reconnue à l’épicerie avec ce poste, mais c’était avant la COVID-19.

«Je le vis différemment parce que j’ai été un des visages de la compagnie. Des gens me regardent et se disent clairement qu’ils m’ont vu quelque part. Quand je dis mon nom, ils me disent ‘’Bien oui, je vous ai vu à la télé!’’ Et on me demande tout de suite comment ça avance. C’est un bouleversement dans ma vie», plaisante Mme Charland.

Cette reconnaissance venait toutefois avec une certaine pression quand on sait que tous les yeux du monde scrutent la moindre nouvelle liée aux vaccins.

«C’est une pression additionnelle. Il faut que ça marche parce que sinon c’est vers moi que ça va revenir s’il y a des problèmes», ajoute-t-elle en riant..

Puisque les nouvelles ont été bonnes pour Medicago cette année, l’attention a été majoritairement positive. «C’est le fun d’être porteuse de bonne nouvelle», insiste Mme Charland, rappelant qu’elle est la messagère du travail de ses collègues. «90% du travail vient avant moi. Sans eux, je n’aurais pas de résultats à annoncer.»

Ce qu’en pense le doc Béliveau 

Loin des clichés hollywoodiens caricaturaux du savant distrait, la pandémie a également permis de familiariser les gens avec ce que sont réellement les savants, ces femmes et ces hommes de science qui sont des êtres humains curieux et dynamiques, très persévérants et dont la mission est de faire avancer la connaissance pour améliorer la santé de l’espèce humaine. 

La poursuite de la vérité est au cœur du processus scientifique et les gens qui s’y consacrent font des sacrifices personnels incroyables pour atteindre cet objectif. 

On peut être fiers que le Québec se positionne aussi bien sur la scène mondiale dans cette course aux vaccins. Nous avons des savants de classe internationale, au Québec.