Trouver la source des douleurs lombaires pour mieux les traiter


Environ 80 % des gens seront affectés au moins une fois dans leur vie par un mal de dos, qui sera récurrent dans 20 % des cas. Des chercheurs de l’Université Concordia ont développé une nouvelle technique pour aider à localiser les douleurs lombaires et, ultimement, à mieux traiter ce « mal du siècle ».

« Les douleurs lombaires sont très répandues et sont complexes à traiter. Elles sont aussi un poids socioéconomique pour la société », constate Maryse Fortin, professeure adjointe au Département de santé, de kinésiologie et de physiologie appliquée de l’Université Concordia. Et la pandémie n’a pas aidé : les gens sont moins mobiles et travaillent dans des espaces mal adaptés.

Or, si les problèmes lombaires sont courants, trouver leur source et les traiter reste très difficile. « Chez 85 % des gens avec des douleurs lombaires chroniques, il n’est pas possible de localiser avec précision la source de la douleur », poursuit la chercheuse formée en thérapie du sport. Celle-ci s’est spécialisée en analyse d’images de la colonne vertébrale, plus particulièrement des muscles lombaires, en association avec diverses pathologies lombaires.

Nouvelle technique

Plusieurs études cliniques avaient déjà observé que les muscles chez les gens présentant des douleurs lombaires chroniques dans le bas du dos changeaient. « Traditionnellement, on mesure les changements dans la taille et le volume du muscle, et dans sa composition (soit la quantité de gras qui s’y infiltre), qui surviennent chez les personnes ayant des douleurs lombaires », explique Mme Fortin.

Les résultats de ces recherches ne sont toutefois pas toujours constants, notamment parce que les méthodes de mesure des muscles diffèrent. D’autres variables peuvent également affecter la taille et l’infiltration graisseuse, comme le sexe et l’âge. « C’est donc délicat de comparer les résultats. Ces techniques requièrent aussi beaucoup de travail manuel », remarque-t-elle.

85 %

C’est le pourcentage de gens ayant des douleurs lombaires chroniques dont la source est impossible à localiser avec précision.

C’est là où l’expertise de Yiming Xiao, professeur adjoint d’informatique et de génie logiciel de l’Université Concordia et premier auteur de l’étude, entre en jeu : ses connaissances en automatisation ont pu être exploitées pour accélérer les analyses. Avec d’autres collègues de l’Université Concordia et de l’Université Western, en Ontario, les chercheurs ont voulu développer une nouvelle technique combinant l’imagerie par résonance magnétique (IRM) et l’analyse statistique pour aider à localiser la source des douleurs lombaires.

Nouveau biomarqueur

Pour tester cette technique, les chercheurs ont recruté 24 personnes qui présentaient une hernie discale lombaire unilatérale, dont la douleur se manifestait du même côté que la hernie. Ils ont observé la colonne vertébrale et les muscles à un même niveau (L5-S1) et ont comparé le côté affecté par la hernie et le côté sain.

Ils ont surtout regardé la forme du muscle, plutôt que sa taille uniquement. « Nous voulions savoir si les changements localisés dans la forme du muscle pourraient être un biomarqueur d’une pathologie, même si la personne ne ressent pas de douleur », précise M. Xiao, dont la recherche postdoctorale sur la structure du cerveau a inspiré cette technique. Les chercheurs ont ensuite utilisé l’analyse statistique des formes pour relever des tendances potentielles et pour détecter des changements dans la morphologie des muscles affectés par la lombalgie. Les résultats ont été publiés dans la revue Scientific Report en août dernier.

Nouveaux horizons

Deux résultats principaux se dégagent de l’étude publiée. Tout d’abord, la technique d’analyse statistique des formes permet de confirmer que le changement de forme du muscle pourrait être utilisé comme biomarqueur pour repérer le muscle ou les muscles affectés par une hernie discale. « Cette technique est plus sensible pour détecter la différence entre les muscles affectés par la maladie et ceux qui ne le sont pas, contrairement aux techniques traditionnelles », confie M. Xiao.

Les chercheurs ont également observé que, pour cette hernie précisément (au niveau L5-S1), « les changements dans le muscle se déroulaient plus bas que la hernie [le disque de la colonne vertébrale déplacé] », note M. Xiao. « Ça confirme à quel point l’étude de la colonne vertébrale est délicate. Si on ne considère pas la forme du muscle, il nous manque un bout de l’histoire », ajoute Mme Fortin.

Alors que la recherche clinique se limite en général à une trentaine de participants, le recours à l’apprentissage machine et à l’automation permettrait aussi de révéler des tendances en exploitant la puissance des données massives.

Cette nouvelle technique pourrait ultimement être utilisée pour détecter d’autres pathologies, et aider ainsi plusieurs personnes aux prises avec des douleurs dont l’origine reste souvent inconnue. « Les hernies discales ne sont qu’un point d’entrée pour explorer cette technique et améliorer le diagnostic des troubles de la colonne vertébrale », espère M. Xiao.