Une nouvelle approche pour trouver la source par l’ADN


Des chercheurs québécois ont mis au point une approche permettant d’identifier plus facilement et rapidement une source potentielle de contamination fécale dans les eaux grâce à des indicateurs génétiques.

Professeur au Centre Armand-Frappier Santé Biotechnologie de l’Institut national de la recherche scientifique (INRS), Richard Villemur travaille depuis une vingtaine d’années sur des stratégies détectant la contamination animale dans l’eau par déjection fécale. Il utilise l’ADN mitochondrial, une molécule d’ADN circulaire qui se trouve chez tous les êtres vivants.

M. Villemur a récemment publié les résultats de ses derniers travaux de recherche en collaboration avec la doctorante Rose Ragot dans la revue scientifique Environmental Monitoring and Assessment.

Avec l’aide de banques de données, ils ont conçu des amorces génétiques permettant de reconnaître la majorité des mammifères et des oiseaux, ainsi que beaucoup d’amphibiens et de poissons. Ces amorces sont de petites séquences d’ADN, qui au moment de l’analyse s’arrêtent sur un ADN qui lui est propre dans un échantillon, explique M. Villemur.

En ayant recours à la technologie PCR, soit la même utilisée pour les tests de dépistage de la COVID-19, cette portion de l’ADN s’amplifie en nombre « astronomique » afin de déterminer les espèces possiblement présentes.

La méthode développée par le professeur considère plusieurs animaux en même temps, évitant de procéder à de multiples analyses PCR.

Mme Ragot, étudiante en biologie, a pu démontrer l’efficacité de l’approche avec des échantillons d’eau provenant de quatre rivières coulant notamment à proximité de zones agricoles.

M. Villemur mentionne que les indicateurs bactériens (comme les coliformes) utilisés actuellement pour détecter la présence de contamination fécale ne permettent pas de déterminer la source du problème, contrairement à l’ADN mitochondrial.

« Avec l’outil que j’ai développé, ça permettrait d’identifier ou de donner potentiellement quel animal serait la cause de la contamination fécale. Les gestionnaires des bassins versants pourraient aller cogner aux bonnes portes […] et faire des actions de remédiation pour empêcher que la contamination revienne de façon régulière », affirme-t-il en entrevue à La Presse Canadienne.

Selon lui, l’approche pourrait être utile dans les régions où se croisent des activités humaines et agricoles alors que les sources possibles de pollution sont multiples : des surverses, des fosses septiques problématiques ou une usine de traitement des eaux défectueuse, par exemple.

Il mentionne que la présence de matière bovine dans une rivière peut provenir de la consommation de viande chez les humains et ainsi signaler un problème dans le traitement des eaux usées.

M. Villemur souhaiterait que sa méthode puisse être déployée sur le terrain par l’entremise d’un instrument qui donnerait des résultats presque en temps réel.

« Ça demanderait d’avoir des partenaires qui seraient intéressés à développer et d’aller de l’avant pour l’application de la technologie », indique-t-il.

Autre utilité

Le professeur estime que la méthode peut aussi servir à suivre l’évolution du profil animalier dans les cours d’eau.

Cette observation pourrait avoir lieu en même temps que la prise d’échantillons pour mesurer le niveau de coliformes, évoque M. Villemur.

Les gestionnaires des bassins versants pourraient alors établir une corrélation entre la détection d’une contamination fécale et la présence de certaines espèces, notamment envahissantes, en plus grand nombre par rapport à d’autres, expose-t-il.

C’est un outil de gestion et de suivi qui pourrait nous amener à un meilleur contrôle de l’environnement. 

Richard Villemur, professeur au Centre Armand-Frappier Santé Biotechnologie de l’INRS

Il précise qu’une nouvelle recherche abordant cette avenue est à venir. La doctorante Rose Ragot et lui ont examiné près d’une centaine d’échantillons provenant d’une trentaine de points de rivière.

Cet article a été produit avec le soutien financier des Bourses Facebook et La Presse Canadienne pour les nouvelles.